Une indépendance et des incertitudes

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De son indépendance en 1991, jusqu’à l’invasion russe en 2022, la société ukrainienne s’est forgée dans l’adversité socio-économique. Les crises se sont succédé  parallèlement aux processus de construction nationale politique. Le pouvoir en Ukraine oscille depuis 1991 entre une volonté d’émancipation par l’Europe et un rapprochement fort avec la Russie.

Après la déclaration d’indépendance de 1991, approuvée par une majorité de la population dans les régions d’Ukraine, les élites communistes, sous la direction du président Leonid Kravtchouk, rejoignent les forces nationalistes (le “Roukh”), bien ancrées dans l’ouest du pays et à Kyiv, pour privilégier la “construction nationale” au détriment de la restructuration économique. 

Dans ce contexte post-soviétique le président, Leonid Kravtchouk (1991-1994), doit faire face à de nombreux défis. Partisans d’une politique du consensus, Kravtchouk, dès les premiers jours de son mandat, fait du resserrement des liens avec l’Europe une priorité de sa politique étrangère.

Mais il s’enlise dans le problème du taux d’inflation en Ukraine dépassant les 1000%, les scandales de corruption et la baisse radicale du niveau de vie de la population. Les anciens directeurs soviétiques (“directeurs rouges”), intermédiaires et bandes criminelles s’accaparent également les actifs industriels. 

Le rêve d’une Ukraine prospère, grâce à son émancipation et ses richesses, se délite. Pourtant le pays ne manque pas d’atouts : la région du Donbass pour ses ressources minières et son industrie métallurgique, les régions centrales et du sud reconnues comme “greniers à blé” ou encore les régions de Kharkiv et Dnipro (Dnipropetrovsk à l’époque) pour ses centres technologiques et militaires.

Le 7 juin 1993, une grève sauvage des travailleurs d’une grande mine à Donetsk (Donbass)  contre l’augmentation des prix de l’alimentation s’élargit à des revendications politiques dans l’ensemble du pays. La popularité de Léonid Kravtchouk chute. En 1994, une crise politique l’oblige à appeler une élection présidentielle anticipée qu’il perd face à son ancien Premier ministre Léonid Koutchma, considéré comme prorusse. Son électorat se compose des ouvriers de l’industrie, dépendants des directeurs et de l’autre côté des employés du secteur public (fonctionnaires, médecins, enseignants etc.). Pour pérenniser ce pacte social, l’émergence d’une élite économique nationale s’avère nécessaire. Le bradage des industries au profit d’une poignée d’individus en donne l’occasion. Ceux que l’on désignera comme “oligarques” sont cependant défiés. 

Sous la présidence de Leonid Koutchma (1994-2004), le pays oscille entre stabilisation économique et autoritarisme. Son premier quinquennat ouvre la voie à des réformes économiques avec la fin de l’hyper inflation et le renforcement du secteur bancaire puis, en 1996, la création d’une nouvelle monnaie nationale, la hryvnia. 

L’émergence de clans puissants, dominés par les oligarques, le trafic d’influence et de multiples formes de corruption creusent les inégalités. L’essor relatif des villes comme Kyiv, Donetsk et Odessa et des centres métallurgiques produisant pour l’exportation, contraste avec la décentralisation qui frappe les villes minières du Donbass et la crise généralisée dans les campagnes. 

L’anxiété sociale prend alors la forme de revendications régionalistes contre le pouvoir central et suscite un large soutien. Les mobilisations se succèdent  – grèves de mineurs, manifestations contre le régime. Une des manifestations va prendre de court l’ensemble des élites, celle se déroulant sur la place de l’indépendance à l’hiver 2004. C’est le début de la Révolution Orange suivie de la Révolution Maïdan 10 ans plus tard.

Rêve européen

« Notre place se trouve au sein de l’Union européenne. Nous ne sommes plus à la lisière de l’Europe. Nous sommes au centre de l’Europe. »

Viktor Ioutchenko,
lors de sa prestation de serment présidentiel, le 23 janvier 2005.