L’Ukraine et son indépendance

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En 1927, la nouvelle politique économique (NEP) mise en place par les bolcheviks connaît un succès inattendu. Une quasi-économie de marché se développe dans les campagnes, permettant aux producteurs d’accéder sinon à la prospérité, au moins à une capacité d’autosuffisance, d’autogestion et de vente aux villes, qui échappent de plus en plus au contrôle du secteur étatique, lequel impose des prix bas pour les produits agricoles, mais élevés pour les biens industriels.

Joseph Staline, désormais au pouvoir, veut reprendre le contrôle de cette économie informelle et enclencher à partir de 1929  une modernisation massive et rapide de l’industrie en URSS qu’il financera par l’exportation des céréales produites. Semences et stocks sont réquisitionnés, les exploitations individuelles sont supprimées au profit de fermes collectives (kolkhozes). Au cours de cette période, près de 250 000 personnes, paysans et leurs familles (révoltés ou prospères appelés “koulaks” ) sont expropriés voire déportés. 

La collectivisation marque  une refonte radicale de la paysannerie dans ses modes de vie et de production et enfonce l’URSS et donc l’Ukraine dans un période de disette dès la fin 1928, puis une période de famine en  1932 et 1933. Cette grande famine a un nom : Holodomor. Elle fait partie des 3 grandes famines soviétiques (1917, 1931-1933, 1946-1947).
La faim généralisée entraîne la mort de 3,5 à 4 millions de personnes, emportant 13% de la population totale de la république socialiste soviétique d’Ukraine (RSSU) et près de 16% de la population rurale. C’est Kyiv et Kharkiv qui seront particulièrement frappées avec près d’un million de victimes chacune.Cette famine a été considérée, dès 1934, par les dirigeants staliniens, et plus encore depuis l’indépendance, comme un moment crucial de la lutte contre le “nationalisme ukrainien” (mené principalement par la paysannerie). Longtemps passée sous silence en Union soviétique, cette période est devenue a contrario un élément cardinal de l’histoire et de la mémoire de l’Ukraine. Plus encore que les événements en eux-mêmes, c’est leur lecture postérieure qui met en exergue la dimension nationale.
Aujourd’hui, de nombreux pays dont l’Allemagne, la Roumanie, l’Irlande ou encore le Parlement Européen reconnaissent Holodomor comme un génocide.

La politique de Moscou va osciller 1945 et  1950 entre le risque d’accorder  une place au sentiment national, de l’associer à la reconstruction de l’URSS et l’exaltation d’un chauvinisme grand-russien qui ne cesse de croître. Le compositeur Mykola Lysenko, considéré comme le “Père de la musique ukrainienne” est célébré pour sa contribution au mouvement de libération nationale et tenu pour une figure révolutionnaire.
C’est à partir de 1949 qu’un durcissement s’opère au niveau politique et gouvernemental. Le pouvoir soviétique veut  extirper le sentiment national. Une recollectivisation s’enclenche, accompagnée d’une russification à outrance : la langue russe est imposée partout, les cadres ukrainiens sont remplacés par des cadres russes. La disparition de Staline, en mars 1953, donne à l’Ukraine une place exceptionnelle dans l’Union. En février 1954, la région de la Crimée, jadis rattachée à la République socialiste fédérative soviétique (RSFSR), est donnée à l’Ukraine à l’occasion du tricentenaire du traité de Pereïaslav, début de “l’union des deux peuples”. Les dirigeants soviétiques insistent d’ailleurs sur l’égalité entre eux et l’apport de l’Ukraine à l’Union. Un concept nouveau apparaît, celui du “peuple russe guide”, ou autrement dit l’association du peuple ukrainien comme partenaire à un rôle dirigeant au sein de l’Union. De son poids spécifique dans l’Union, du rôle qu’elle y a joué, de son développement à partir des années 1950, l’Ukraine peut-elle conclure à l’époque à autre chose qu’un désir de s’affirmer davantage, de protéger sa particularité ? Ce n’est pas le socialisme qui est en question, mais bien l’égalité réelle des nations socialistes. Cette aspiration, Moscou ne peut la traiter par le mépris. Mais la situation géographique de l’Ukraine, l’exemple de 1941, témoignent comme le disait Staline à ses interlocuteurs de Yalta, que “Lorsqu’il s’agit de l’Ukraine, c’est l’unité de l’URSS qui est en jeu”.

La fin de l’ère soviétique commence à la fin des années 1980 avec les réformes de la perestroïka et de la glasnost initiées par Mikhaïl Gorbatchev. Ouvrant la voie à des mouvements nationalistes et indépendantistes en Ukraine. L’Ukraine proclame son indépendance le 24 août 1991. L’URSS s’effondre le 25 décembre 1991.

13% de la population en Ukraine

La faim généralisée en- traîne la mort de 3,5 à 4 millions de personnes, emportant 13% de la po- pulation totale de la république socialiste soviétique d’Ukraine (RSSU). C’est Kyiv et Kharkiv qui seront particulièrement frappées avec près d’un million de victimes chacune.

Un lourd bilan

  • 7 millions d’Ukrainiens ont été mobilisés.
  • 2,5 millions sont morts au combat ou en captivité
  • Les pertes militairs ukrainiennes représentent près d’un quart du total des pertes militaires soviétiques
  • 3 millions de civils de la RSS d’Ukraine ont péri au cours de la Guerre dont 1 millions de Juifs, l’Ukraine étant, avec la Biélorussie, la principale région de peuplement juif de l’Empire russe, puis de l’URSS.
Sources :

Thomas Chopard, Holodomor, Questions internationales n°118, avril-mai 2023

Hélène Carrère d’Encausse, La deuxième des républiques soviétiques, Manières de voir Ukraine, jusqu’où l’escalade, Le Monde diplomatique, 2023